De nombreuses organisations ont relevé le défi de la santé mentale. Elles comprennent l’importance de concentrer leurs efforts pour fournir à leurs employés le soutien nécessaire en matière de santé mentale afin de leur permettre de gérer leurs symptômes et d’optimiser leur fonctionnement au travail et à la maison. C’est une excellente nouvelle, étant donné qu’au moins 500 000 Canadiens s’absentent chaque semaine de leur travail pour cause de maladie mentale.
Mais trop souvent, les employés qui consultent leur médecin de famille ou leur infirmière praticienne pour des symptômes de santé mentale ne sont pas diagnostiqués correctement : plus de la moitié des diagnostics psychiatriques initiaux ne sont pas exacts, a déclaré la Dre Diane McIntosh, psychiatre et chef des neurosciences à TELUS.
Par exemple, « plus de 90 % des cas de bipolarité ne sont pas diagnostiqués », a-t-elle déclaré, ajoutant que cette maladie mentale, qui se caractérise par des hauts et des bas extrêmes de l’humeur, prend en moyenne 10 ans pour être diagnostiquée. « Plus le diagnostic est tardif, plus l’impact sur le cerveau, le fonctionnement et la qualité de vie est important », a-t-elle expliqué.
Et lorsque des diagnostics graves tels que la bipolarité ne sont pas posés, cela peut conduire à des années de lutte, à de nombreux échecs de traitement et à des absences fréquentes sur le lieu de travail. Pour les employeurs, cela se traduit par une baisse de la productivité due à l’absentéisme et au présentéisme (la personne est présente, mais est incapable de travailler de manière optimale), par une augmentation des taux d’invalidité de courte durée (ICD) et de longue durée (ILD) et par des coûts de prestation en constante augmentation.
Selon Statistique Canada, les maladies mentales coûtent 51 milliards de dollars par an à l’économie canadienne, dont 20 milliards sont liés au travail. Chaque année, les sociétés canadiennes subissent une perte de productivité estimée à 16,6 milliards de dollars, du fait de travailleurs qui se déclarent malades par suite de problèmes de santé mentale.
Finalement, les employés sont incapables de fonctionner (ou ne peuvent pas fonctionner de manière optimale) et les employeurs cherchent par tous les moyens à les aider, tout en supportant les coûts d’un traitement insuffisant, souvent pendant des mois ou des années.
« Tout le monde est concerné », a souligné la Dre McIntosh.
La santé mentale, une priorité absolue
Au cours des dix dernières années, des progrès considérables ont été réalisés dans la manière dont les entreprises canadiennes soutiennent la santé mentale de leurs employés. Selon l’enquête sur les soins de santé menée par Benefits Canada en 2022, 46 % des promoteurs de régimes d’avantages sociaux canadiens ont l’intention de concentrer leurs investissements sur la santé émotionnelle ou mentale au cours des trois prochaines années, et 19 % d’entre eux ont récemment augmenté leur niveau de couverture maximal pour les services de consultation psychologique.
De nombreuses organisations ont reconnu les graves répercussions de la pandémie sur la santé mentale. Les employés ont déclaré se sentir isolés, être moins productifs et, pour beaucoup, être confrontés à un stress familial important. Les taux de dépression et d’anxiété ont grimpé en flèche au cours des trois dernières années. Selon le rapport de Benefits Canada, la dépression ou l’anxiété sont les maladies chroniques les plus couramment diagnostiquées sur le lieu de travail, signalées par 22 % des participants au régime.
Selon le Centre de toxicomanie et de santé mentale, cette situation a entraîné une augmentation de l’absentéisme, car les travailleurs souffrant de maladies mentales sont plus susceptibles de s’absenter du travail pour des raisons de santé. Elle a également contribué au présentéisme, car les employés qui luttent contre une maladie mentale restent souvent au travail, mais ne sont pas en mesure de fournir un rendement optimal.
Cette nouvelle réalité a conduit de nombreuses organisations à s’associer aux assureurs et à allouer davantage de fonds aux services de santé mentale. Nombre d’entre elles offrent désormais à leurs employés l’accès à une thérapie numérique guidée, à des programmes de méditation pour gérer le stress et à une thérapie cognitivo-comportementale (TCC) en ligne. D’autres offres comprennent le yoga, l’accompagnement professionnel, des services de diététistes, l’éducation à l’hygiène du sommeil et des programmes de pleine conscience/méditation.
« Les employeurs montrent la voie en matière de soins de santé mentale », a déclaré la Dre McIntosh.
Les employés accueillent favorablement ces initiatives. Selon l’Indice de santé mentale de TELUS Santé d’octobre 2022, les prestations et les services offerts en matière de santé et de bien-être, ainsi que la flexibilité et le type de travail, sont les facteurs les plus importants pour les travailleurs canadiens lorsqu’ils choisissent un employeur. Selon l’Indice, 77 % des salariés déclarent qu’ils envisageraient de changer d’employeur pour bénéficier de meilleures prestations en matière de santé et de bien-être.
Le diagnostic précoce fait toujours défaut
« Les réussites en matière de santé mentale dépendent d’un diagnostic précoce », a affirmé la Dre McIntosh. Malheureusement, des obstacles importants continuent d’entraver l’accès aux soins psychiatriques. Selon elle, malgré tous les progrès réalisés par les entreprises canadiennes en matière de santé mentale, la stigmatisation persiste. Elle indique par ailleurs que de nombreux employés craignent encore d’éventuelles répercussions négatives s’ils révèlent un diagnostic psychiatrique à leurs collègues ou à leurs supérieurs. Cette peur fait que, trop souvent, ils choisissent de souffrir en silence, plutôt que de demander de l’aide.
La Dre McIntosh précise que la stigmatisation de la maladie mentale existe également en médecine. Selon elle, c’est une question d’éducation. Si les prestataires de soins de santé (dont le but est d’aider) ne sont pas bien formés ou manquent de compassion, les personnes qui pourraient avoir besoin d’une aide urgente perdront espoir, ce qui entraînera un retard de diagnostic, une automédication avec de l’alcool ou des drogues, et une détérioration du fonctionnement, au travail comme à la maison.
« La stigmatisation est omniprésente », dit-elle.
C’est pourquoi, selon elle, il incombe aux employeurs de continuer à réduire les obstacles aux soins en favorisant des cultures dans lesquelles les discussions sur la santé mentale sont normalisées et encouragées. Elle affirme que cela doit commencer au sommet de la hiérarchie. Les dirigeants qui sont capables d’être vulnérables face à leurs propres problèmes de santé mentale ont une influence incroyablement puissante sur la culture de leur équipe. En outre, les organisations devraient proposer une formation en gestion axée sur l’identification des problèmes de santé mentale chez les autres.
« Le fait d’avoir des dirigeants qui assument leur propre vulnérabilité aide à bâtir une culture de la compassion, a indiqué la Dre McIntosh. Il est essentiel d’orienter les employés vers les aides appropriées.
Un diagnostic précoce est plus probable si les employeurs collaborent avec les assureurs pour permettre aux employés d’accéder à des soins spécialisés, dans un environnement propice à la guérison, et s’ils déploient des efforts concertés pour éliminer la stigmatisation. » Il faut donc fournir un accès à des médecins capables de diagnostiquer et de traiter avec précision les maladies mentales.
Le résultat : une main-d’œuvre en santé et des coûts de prestations réduits
En obtenant l’aide des employés le plus tôt possible, le coût des prestations s’en voit réduit. Il faut donc utiliser les programmes d’aide aux employés pour s’assurer qu’ils sont en mesure de rester productifs dans leur rôle et de réduire le présentéisme et l’absentéisme. Dans une étude effectuée en 2022 portant sur 830 employés utilisant les services de conseil du programme d’aide aux employés (PAE), une diminution importante des risques a été constatée pour tous les résultats (modification de l’anxiété, de la dépression, de l’état de santé, de la satisfaction de vivre et de la productivité au travail). Les améliorations de la santé ont été corrélées (positivement) avec les améliorations de la productivité au travail, et les résultats ont été utilisés pour estimer un retour sur investissement de 4,26 $ par tranche de 1 $ pour le PAE à partir des coûts de traitement évités pour la dépression (611 $/cas) et la perte de productivité au travail (1 433 $/cas).
En veillant à ce que les employés obtiennent un diagnostic précoce, on peut également réduire leur nombre de congés de maladie et d’invalidité de longue durée. La Dre McIntosh affirme qu’elle voit de nombreux employés âgés d’une vingtaine d’années – dont beaucoup sont mal diagnostiqués – rester en invalidité de longue durée pendant des mois, voire des années. « C’est vraiment regrettable », dit-elle. La grande majorité d’entre eux ne veulent pas quitter leur lieu de travail, mais estiment qu’ils n’ont pas d’autre choix. En conséquence, ils prennent des congés dans l’espoir de résoudre leurs problèmes de santé mentale, ne reçoivent pas les soins dont ils ont besoin et luttent ensuite pour retrouver un emploi à temps plein. Une fois que vous avez quitté votre lieu de travail pendant un an, la probabilité d’y revenir est inférieure à 10 %.
La solution : des partenariats entre les employeurs et les assureurs afin d’offrir un accès aussi rapide que possible à des solutions optimales en matière de santé mentale.
« Ces personnes doivent avoir accès à des soins de qualité, a-t-elle précisé. Nous devons les aider à se rétablir et à rester en bonne santé. Chacun a un rôle à jouer dans la création d’un lieu de travail sain, sûr et compatissant. »