Arrêter de fumer a toutes sortes d’effets positifs sur la santé, sans égard à l’âge : on peut ainsi réduire de nombreux risques, des maladies cardiovasculaires au cancer, prolonger son espérance de vie d’une dizaine d’années, et protéger ses collègues, sa famille et ses amis de la fumée secondaire[1]. Pour un employeur, l’arrêt tabagique d’un employé est synonyme de santé, de productivité, de diminution des coûts, d’une plus grande satisfaction au travail et d’une meilleure image d’entreprise[2].
Toutefois, cesser de fumer peut être très difficile ; il faut souvent plusieurs tentatives pour y arriver. Rappelons ce trait d’esprit, qu’on attribue à Mark Twain : « Arrêter de fumer, c’est ce qu’il y a de plus facile. Je le sais ; je l’ai fait un millier de fois. »
Cela dit, 70,6 % des Canadiens ayant déjà fumé ont réussi à arrêter. Et ceux qui n’y sont pas arrivés continuent d’essayer : ainsi, 44,5 % des fumeurs affirment avoir essayé d’arrêter au cours de la dernière année. Les tentatives pour arrêter de fumer ne sont pas plus fréquentes parmi les hommes, les femmes ou les fumeurs d’un certain âge ; tout le monde essaie[3].
Et, avec chaque tentative, le fumeur en apprend un peu plus sur ses forces, ses éléments déclencheurs et ses tendances en matière de tabagisme, ce qui permet de savoir quoi faire pour que le prochain essai soit plus facile et plus fructueux. Au fil de son parcours, il peut s’appuyer sur toutes les ressources disponibles — dont son pharmacien.
Le Manitoba a d’ailleurs officialisé le rôle des pharmaciens dans la cessation tabagique, grâce à un programme intitulé Quit Smoking with Your Manitoba Pharmacist. Inauguré en avril 2022, ce programme est le premier de la province à être financé par une obligation à impact social. Ainsi, toute personne âgée d’au moins 18 ans qui réside au Manitoba et souhaite cesser de fumer a droit à des consultations à sa pharmacie locale, ainsi qu’à des médicaments prescrits et des traitements de remplacement de la nicotine d’une valeur maximale de 100 $.
Ce genre de programme n’existe peut-être pas encore dans d’autres provinces, mais les pharmaciens peuvent tout de même jouer un rôle crucial pour épauler les fumeurs qui souhaitent écraser. Ils peuvent par exemple :
- aider les patients à choisir parmi les nombreux traitements de remplacement de la nicotine offerts sans ordonnance, y compris les timbres, les gommes, les vaporisateurs et les inhalateurs ;
- donner des conseils sur l’utilisation de ces médicaments et la prise en charge de leurs effets secondaires, en expliquant pourquoi il est important de respecter les doses recommandées ;
- proposer des astuces, des stratégies et des ressources qui donnent aux fumeurs des outils sous forme d’étapes et de gestes concrets.
Mais par-dessus tout, les pharmaciens peuvent soutenir les futurs ex-fumeurs sans jugement, tout au long de leur parcours, pour leur montrer qu’ils ne sont pas seuls.
Pour commencer
Il arrive que les patients abordent eux-mêmes leur pharmacien pour lui parler de leur désir d’arrêter de fumer. Dans d’autres cas, le pharmacien peut faire germer l’idée en demandant simplement au patient s’il fume. Si la réponse est oui, il demandera alors la permission d’aller plus loin dans l’échange : « Seriez-vous prêt à parler un peu de votre tabagisme ? » Si le patient est d’accord, le pharmacien pourra alors lui demander s’il songe à arrêter.
Si un fumeur a déjà pensé à arrêter, mais n’a pas encore fait de démarches en ce sens, en parler dans un contexte médical peut le mettre sur la bonne voie. S’il n’y a pas encore réfléchi sérieusement, apprendre de la bouche d’un pharmacien que l’arrêt tabagique peut atténuer de nombreux problèmes de santé, comme l’asthme et l’hypertension, peut servir de déclic. Qu’un fumeur ait déjà un problème de santé ou pas, son pharmacien pourra le motiver en lui donnant des brochures qui présentent toute une liste de raisons d’arrêter de fumer.
Un fumeur doit avoir un plan précis pour concrétiser sa volonté d’arrêter. Une fois sa décision prise, son pharmacien peut l’encourager à :
- P – prévoir une date d’arrêt ;
- L — laisser savoir à ses amis, à sa famille et à ses collègues qu’il compte arrêter de fumer ;
- A – anticiper les déclencheurs (voir plus bas) et les éviter, trouver des solutions de rechange ou s’adapter pour y faire face ;
- N – utiliser des traitements de remplacement de la nicotine, au besoin.
Les pharmaciens peuvent également éduquer leurs patients et les diriger vers des sites Web officiels contenant des renseignements sur divers sujets connexes.
Par exemple, les fumeurs doivent être conscients des effets du sevrage tabagique et de la façon de les prendre en charge — un domaine dans lequel l’expertise des pharmaciens s’avère très utile. En étant avertis qu’ils risquent de vivre temporairement de l’agitation, de l’ennui, de l’anxiété, de la dépression, du stress, des maux de tête, de la toux, de la fatigue, de l’insomnie, des problèmes digestifs, des difficultés de concentration et une prise de poids, ils seront plus à même d’accepter ces symptômes et de les tolérer.
Les pharmaciens peuvent aussi proposer une aide psychologique et des outils de gestion du stress. On pensera notamment aux techniques de relaxation, à la respiration profonde, à l’activité physique, à la diminution ou à l’élimination de la consommation de caféine, et à l’organisation antistress — surtout le jour de l’arrêt tabagique et les suivants.
En demandant à leurs patients ce qui, à leur avis, fonctionnerait le mieux pour eux, les pharmaciens peuvent obtenir les renseignements nécessaires et adapter leur approche pour les aider à cheminer vers une vie sans fumée.
Gérer les envies impérieuses de fumer
Les trois premiers jours sont généralement les plus difficiles pour les gens qui tentent d’arrêter de fumer. C’est à ce moment que les symptômes du sevrage de nicotine se font le plus sentir. Par la suite, l’intensité des symptômes a tendance à diminuer, surtout au cours du premier mois.
Toutefois, les envies pressantes de fumer ne disparaissent pas tout de suite. Il s’agit bien souvent du symptôme de sevrage le plus persistant et le plus fort, qui peut être difficile à gérer sans une aide extérieure. Pour garder le cap, les patients peuvent s’adresser à leur pharmacien, qui leur donnera des astuces dont l’efficacité a été prouvée.
- Retarder : se promettre de ne pas fumer pendant deux minutes supplémentaires
- Respirer profondément : prendre plusieurs inspirations profondes
- Boire : prendre une gorgée d’eau fraîche ou de jus sans sucre (comme un jus de pamplemousse), ou encore croquer un glaçon
- Faire autre chose : se détacher complètement de la situation à l’origine de l’envie de fumer
- Téléphoner : appeler un ami prêt à donner du soutien
Les pharmaciens peuvent également encourager leurs patients à noter la liste des raisons précises qui leur donnent envie d’arrêter de fumer et auxquelles ils peuvent se raccrocher en cas de grosse envie. Parmi ces raisons, citons : se sentir mieux, prendre soin de sa santé, protéger ses proches et économiser de l’argent. Cette liste pourra aider le patient à se concentrer sur son but pour affronter plus facilement ses envies.
Gérer les déclencheurs
Par « déclencheurs », on entend les situations qui donnent envie de fumer. Si elles sont différentes pour tout le monde, certaines d’entre elles sont assez communes : le trajet de retour de l’école ou du travail, une conversation au téléphone, la consommation d’alcool ou de café, la conduite ou les moments de stress ou de colère. Ceux qui cherchent à arrêter doivent faire la liste des situations qui leur donne envie de fumer, ce qui leur permettra d’appréhender les tentations et de faire un plan pour rompre l’association entre ces moments et la cigarette.
Encore une fois, avoir l’appui d’un professionnel de la santé peut aider un futur ex-fumeur à mettre en place des stratégies pour faire face à ces tentations. Voici certaines approches utiles :
- Coucher sur papier le plus de déclencheurs possible
- Tenter de gérer deux ou trois des principaux déclencheurs en les évitant temporairement ou en décidant d’un plan pour y faire face
- Trouver des solutions de rechange pour s’occuper les mains et la bouche à des moments où on aurait normalement fumé une cigarette, comme mâcher une gomme ou s’adonner à une autre activité agréable
- Ne pas oublier qu’une seule bouffée peut en entraîner une autre ; éviter d’inhaler la fumée d’une cigarette, même une seule fois
- Se récompenser pour les petites victoires, comme une heure, une journée ou une semaine passées sans fumer
- Se concentrer sur l’arrêt tabagique, sans viser d’autres buts (comme une perte de poids) en parallèle
- Envisager une aide supplémentaire, comme des médicaments, une ligne d’aide ou un groupe de soutien en cas de difficulté à gérer la tentation
Le soutien est essentiel pour résister aux déclencheurs, qu’il vienne de la famille, des amis, d’un groupe de soutien ou d’un pharmacien. Demander à son pharmacien le numéro d’une ligne d’aide et y avoir recours peut aussi être très utile.
Se ressaisir après une erreur de parcours
Une personne qui cherche à arrêter de fumer doit comprendre la différence entre une erreur de parcours (une cigarette fumée exceptionnellement) et une rechute (le retour à une consommation régulière de tabac). En effet, réagir rapidement après une erreur de parcours peut empêcher cette dernière d’évoluer pour devenir une rechute. Dans un tel cas, il ne faut surtout pas hésiter à demander un soutien immédiat.
Les pharmaciens, en tant que professionnels, peuvent rassurer leurs patients en leur expliquant qu’une erreur de parcours n’est, ni un signe d’échec, ni une raison de se décourager. Il s’agit plutôt d’un bref retour à une ancienne habitude, ce qui ne refait pas instantanément de quelqu’un un fumeur. Enfin, le pharmacien peut inciter son patient à voir cette erreur de parcours comme un rappel de son objectif.
Succomber une fois à l’envie de fumer, c’est « perdre une bataille, mais pas la guerre ». L’essentiel, comme les pharmaciens peuvent le rappeler à leurs patients, est de déterminer ce qui a provoqué cette erreur de parcours et d’établir un plan pour faire face à la prochaine occasion. Ensuite, il suffira de mettre cette erreur de côté pour reprendre son cheminement.
Voici d’autres stratégies qui peuvent aider à se remettre d’une erreur de parcours :
- Atténuer la tentation de fumer en se forçant à attendre deux heures ; au patient de décider ensuite s’il a vraiment envie de consommer ce produit du tabac
- Relire la liste de ses motivations ; le patient doit se rappeler de la principale raison qui l’a poussé à vouloir arrêter de fumer, puis reprendre le dessus
- Penser à des situations durant lesquelles le patient a été tenté de fumer, mais ne l’a pas fait ; il peut se rappeler de la force dont il a fait preuve à ce moment-là et se dire qu’il en est encore capable
Une autre bonne stratégie pour arrêter de fumer est de rendre la cigarette moins accessible. Cela signifie, par exemple, éviter les endroits où il est facile de demander une cigarette à quelqu’un, et ne pas acheter de paquet pour en avoir une sous la main « au cas où ».
À moins que quelqu’un retourne à une consommation régulière de tabac, on conseille généralement de poursuivre un traitement de remplacement de la nicotine malgré un écart ; les pharmaciens, experts en la matière, sont bien placés pour faire ces recommandations. Après une erreur de parcours, il faut aussi se pencher sur les aspects psychologiques des envies et des déclencheurs pour aider les futurs ex-fumeurs à les gérer, puis à se ressaisir.
Une aide à portée de main
Les pharmaciens sont bien placés pour donner des conseils sur la cessation tabagique, puisqu’ils comptent parmi les professionnels de la santé les plus accessibles. En effet, il suffit aux patients d’entrer dans une pharmacie ou de téléphoner à leur pharmacien s’ils veulent parler ; pas besoin de prendre rendez-vous ! Ils peuvent choisir les moments qui leur conviennent, et passer à la pharmacie ou téléphoner aussi souvent qu’ils le souhaitent.
Si les besoins de leurs patients dépassent leur champ d’expertise, les pharmaciens peuvent aussi les mettre en contact avec d’autres professionnels de la santé. Enfin, ils connaissent bien les ressources offertes par des organismes comme l’Association pulmonaire du Canada, la Société canadienne du cancer, Cœur + AVC, la Téléassistance pour fumeurs, Santé Canada et de nombreux programmes provinciaux d’arrêt tabagique.
Entre la recommandation de médicaments et de traitements de remplacement de la nicotine, les suivis réguliers, le soutien psychologique et l’offre de ressources, les pharmaciens peuvent être des alliés inestimables pour arrêter de fumer. Au final, leur principale contribution peut être d’aider leurs patients à voir clairement le parcours qui les attend, le soutien qui les entoure, et les nombreux bienfaits dont ils profiteront après avoir cessé de fumer.
Un guide sur la cessation tabagique à l’intention des employeurs
Le guide de Santé Canada pour le Renoncement au tabac en milieu de travail peut servir de point de départ aux employeurs qui souhaitent aider leur personnel à cesser de fumer. Il comprend un questionnaire d’évaluation des besoins des employés, un outil de calcul des coûts associés au tabagisme pour l’entreprise, une liste de vérification pour évaluer les programmes de cessation tabagique et de nombreux feuillets informatifs destinés aux employés.
[1] https://www.cdc.gov/tobacco/quit_smoking/how_to_quit/benefits/index.htm (en anglais seulement)
[2] https://www.canada.ca/fr/sante-canada/services/publications/vie-saine/renoncement-tabac-milieu-travail-guide-pour-aider-vos-employes-cesser-fumer.html
[3] https://uwaterloo.ca/tobacco-use-canada/quitting-smoking (en anglais seulement)