Je me remets d’une énième chirurgie pour l’endométriose subie il y a une semaine, avec un coussin chauffant dans le dos et un bloc réfrigérant sur le ventre pour essayer d’engourdir la douleur atroce qui irradie dans tout mon bassin.
Je bous de colère. Je suis en colère parce que cette maladie touche 1 femme sur 10 (ou personnes qui sont nées avec un utérus), soit environ 190 millions de personnes dans le monde1. Je suis en colère parce qu’il n’existe actuellement aucun remède et que cette maladie ne fait pas l’objet de recherches médicales importantes, alors qu’elle mine tant de personnes et les prive de leurs espoirs et de leurs rêves2. Je suis en colère parce que je crois que l’indignation serait universelle et qu’un généreux financement serait alloué à la recherche, au traitement et à la guérison de cette maladie si c’était plutôt 1 homme cisgenre sur 10 qui en était atteint.
Je fais partie des chanceuses qui ont accès à des soins spécialisés pour l’endométriose, financés par l’État. Malheureusement, ce n’est pas la norme. L’endométriose est complexe, et les soins requièrent souvent la collaboration d’une équipe interdisciplinaire. La chirurgie d’excision doit être pratiquée par un gynécologue spécialisé qui a reçu une formation spécifique dans ce domaine chirurgical difficile. Le besoin d’un plus grand nombre de ces spécialistes au pays et dans le monde est criant. Les lacunes du système de santé canadien actuel entraînent de longues listes d’attente : il faut attendre de 3 à 9 mois pour obtenir un rendez-vous, et jusqu’à 12 mois par la suite pour subir une chirurgie dans les très rares centres qualifiés3.
Nous devons faire mieux. Nous devons faire mieux pour celles qui sont rejetées encore et encore par un système de soins de santé qui leur dit que la douleur qu’elles ressentent se trouve seulement dans leur tête. Nous devons faire mieux pour celles qui se font dire qu’elles n’ont que des règles douloureuses. Nous devons comprendre que l’endométriose est une maladie systémique qui touche l’ensemble de l’organisme, et pas seulement l’appareil reproducteur4. Nous devons apprendre à nos jeunes qu’il n’est pas normal d’avoir des rapports sexuels douloureux ou des règles douloureuses et qu’ils n’ont pas à endurer ni à s’habituer à cette douleur.
En tant que nouvelle thérapeute, j’ai dû me questionner à savoir si je devais ou non rendre mon histoire publique, puisque, par souci de professionnalisme, je ne souhaitais pas divulguer plus de renseignements personnels que nécessaire à mes clients.
La réalité est que l’endométriose et les douleurs pelviennes chroniques ont occupé une telle place dans ma vie et ont tellement façonné qui je suis en tant que personne et en tant que thérapeute, que j’en suis arrivée à la conclusion que j’en avais assez de me taire.
Rien n’est plus satisfaisant que de lutter, d’éduquer et de militer afin que nous puissions changer les choses face à cette maladie dévastatrice et prévenir d’autres souffrances.
J’espère qu’à travers ma voix et le partage de mon histoire, je pourrai conseiller de nombreuses personnes qui ont souffert de ces symptômes invalidants et incompris.
J’ai écrit ma thèse sur les répercussions de l’endométriose et des douleurs pelviennes chroniques sur la santé mentale et je l’ai dédiée aux 190 millions de personnes dans le monde qui, comme moi, luttent contre l’endométriose. Je me suis engagée à continuer de faire entendre ma voix pour défendre les intérêts de cette population, et il est grand temps que j’honore cette promesse.
Je fais partie du conseil consultatif des patients pour la recherche du laboratoire sur les douleurs pelviennes liées à l’endométriose de l’Université de la Colombie-Britannique, où j’ai l’occasion de mettre à profit une part de mon indignation.
Voici ce sur quoi certains de mes collègues bénévoles ont travaillé : https://endoact.ca/
En fin de compte, il y a de l’espoir. L’endométriose et les douleurs pelviennes chroniques font partie d’un long parcours que je poursuivrai sans aucun doute, et bien qu’il ait été infernal à de nombreux moments, j’ai pu constater à travers celui-ci ma résilience, ma force et mon courage. Il constitue la base de mon travail de thérapeute ayant vécu une expérience de douleur persistante.
Pour de plus amples renseignements sur les rapports sexuels douloureux et l’endométriose, je vous invite à consulter les sites suivants :
https://endopain.endometriosis.org/ et https://endometriose.quebec/.
[1] Organisation mondiale de la Santé. (31 mars 2021). Endométriose. https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/endometriosis
[2] Wahl, K.J., Yong, P.J., Bridge-Cook, P., et Allaire, C. (2020). Endometriosis in Canada: It is time for collaboration to advance patient-oriented, evidence-based policy, care, and research. Journal of Obstetrics and Gynecology Canada, 43(1), 88-90.
[3] Wahl, K.J., Yong, P.J., Bridge-Cook, P., et Allaire, C. (2020). Endometriosis in Canada: It is time for collaboration to advance patient-oriented, evidence-based policy, care, and research. Journal of Obstetrics and Gynecology Canada, 43(1), 88-90.
[4] Zondervan, K.T., Becker, C.M., and Missmer, S.A. (2020). Endometriosis. The New England Journal of Medicine. DOI: 10.1056/NEJMra1810764