L’adoption lente mais croissante des médicaments biosimilaires est une grande nouvelle. Les provinces étant de plus en plus nombreuses à adopter des stratégies de transition vers les médicaments biosimilaires, il semble que ce soit une véritable vague qui déferle sur le Canada.
Prenons l’exemple récent de la Colombie-Britannique, dont l’implantation de la politique de substitution pour des produits biologiques a fait grimper la part réservée à ces produits dans la quantité admissible pour les produits biologiques avec options biosimilaires grimper de 7 % à 65 % à la fin de l’année 2021, selon le Rapport 2022 sur les tendances et références canadiennes en matière de consommation de médicaments de TELUS Santé.
Les résultats encourageants observés en Colombie-Britannique incitent d’autres provinces à lancer des programmes de transition aux biosimilaires ou de substitution par les biosimilaires afin de réduire le coût des médicaments et d’augmenter le financement des nouveaux traitements médicamenteux. L’Ontario est la province qui a le plus récemment introduit une politique de transition, ajoutant les médicaments biosimilaires au Programme de médicaments de l’Ontario en 2023. La Saskatchewan a également mis en place une politique de transition vers les médicaments biosimilaires.
À l’heure actuelle, sept provinces et un territoire ont adopté des stratégies de transition vers les produits biosimilaires.
D’autres médicaments biosimilaires sont en cours d’élaboration, promettant encore plus d’économies. Il s’agit principalement de médicaments utilisés pour traiter la dégénérescence maculaire, une affection oculaire grave qui peut entraîner la cécité et qui touche 2,5 millions de Canadiens, d’un médicament qui traite une maladie hématologique rare et d’un médicament qui traite certaines affections auto-immunes.
« Plus il y aura de biosimilaires accessibles et plus il y aura de provinces pour mettre en œuvre le changement et plus la pression se fera sentir sur tout le monde pour [les adopter] » affirme Vicky Lee, gestionnaire, Consultation en pharmacie chez TELUS Santé, qui effectue un suivi des approbations de médicaments et l’évolution des produits biosimilaires dans le Rapport sur les médicaments en voie de commercialisation. « Davantage de payeurs privés se joindront au mouvement; on constate aujourd’hui qu’ils sont de plus en plus nombreux à adopter ces produits », déclare-t-elle.
L’intérêt accru des provinces pour les produits biosimilaires ne pouvait pas mieux tomber, selon les données de TELUS Santé. En effet, on constate que quatre des dix principales catégories de médicaments sont dominées par des médicaments spécialisés très coûteux, prescrits à un très petit nombre de patients.
Les données montrent également que moins de 2 % des demandeurs présentent des montants admissibles annuels qui dépassent 10 000 $ et qu’ils représentent 40 % du montant admissible total pour 2021. Dans de nombreux cas, ces demandeurs dont les médicaments ont un coût élevé sont traités pour des maladies rares, ce qui peut coûter des centaines de milliers de dollars par an.
Par conséquent, les médicaments biosimilaires peuvent permettre de réaliser d’importantes économies, d’autant plus que ceux qui servent au traitement de maladies rares sont de plus en plus nombreux. Un biosimilaire substituant Soliris (eculizumab), précédemment considéré comme le médicament le plus cher au monde, pourrait être approuvé par Santé Canada dès le milieu de l’année 2023, selon Mme. Lee. Ce médicament, qui traite l’hémoglobinurie paroxystique nocturne, une maladie sanguine très rare et potentiellement mortelle qui touche une à dix personnes sur un million, coûte environ 700 000 $ de traitement par an.
Deux autres biosimilaires, destinés au traitement de la dégénérescence maculaire, devraient également être lancés cette année. L’un d’eux est Byooviz, qui remplace Lucentis et qui a été approuvé par Santé Canada en mars 2022. Ce médicament sera probablement vendu à un prix inférieur de 35 à 40 % à celui du médicament d’origine.
L’autre biosimilaire qui traite la dégénérescence maculaire, Eylea, sera probablement lancé d’ici juin 2024. De nombreux autres biosimilaires destinés au traitement de la dégénérescence maculaire en sont à divers stades de développement et d’essais cliniques, selon Mme. Lee.
D’après lui, on verra encore apparaître d’autres options biosimilaires d’ici la fin de l’année 2023 ou l’année 2024. Mme. Lee indique que des options biosimilaires pour Stelara, qui est utilisé pour traiter la maladie de Crohn, la colite ulcéreuse, le psoriasis et le rhumatisme psoriasique, sont en cours d’élaboration. En janvier 2023, le groupe JAMP Pharma a présenté une version biosimilaire de Stelara aux fins d’examen pour approbation. Il s’agit d’un médicament coûteux et le plus souvent sur ordonnance, couvert par les régimes privés d’assurance-médicaments.
Selon Mme. Lee, malgré les progrès réalisés, il faudra plusieurs mois avant que les nouveaux produits biosimilaires ne soient ajoutés à la liste provinciale, et encore plus de temps avant qu’ils fassent partie des initiatives provinciales de substitution. Elle ajoute que, dans certains cas, les litiges entre les fabricants de médicaments peuvent également entraver le processus d’approbation, entraînant des retards supplémentaires. À l’heure actuelle, neuf produits biosimilaires ont été présentés et sont en cours d’examen par Santé Canada.
« Cela peut demander beaucoup de temps », dit-elle. « Généralement, Santé Canada prend environ 11 mois pour approuver un nouveau médicament une fois que la présentation a été acceptée. »
La décision de la Colombie-Britannique a entraîné une hausse de l’adoption des médicaments biosimilaires. Son initiative sur les produits biosimilaires a débuté en novembre 2019 et implique une transition obligatoire visant à remplacer neuf produits biologiques d’ordonnance par les biosimilaires qui sont disponibles.
En janvier 2019, les données de TELUS Santé sur les demandes de remboursement reçues par les régimes privés d’assurance-médicaments en Colombie-Britannique ont révélé que les produits biologiques biosimilaires représentaient 7 % des demandes en coûts admissibles pour les produits biologiques ayant des options biosimilaires. Deux mois après la mise en œuvre de la politique de substitution par des biosimilaires de la Colombie-Britannique, cette part était passée à 20 %. En 2020, la croissance est restée stable, atteignant 33 % en décembre; elle s’est ensuite fortement accélérée en 2021 pour atteindre 65 %.
TELUS Santé attribue le succès de la Colombie-Britannique en matière de produits biosimilaires au régime universel PharmaCare de la province, dont l’existence a incité de nombreux régimes privés à adopter la politique de transition du gouvernement. Ils évitaient ainsi de prendre en charge les coûts des médicaments originalement prescrits aux membres de leur régime qui choisissaient de ne pas substituer leur traitement régulier au biosimilaire utilisé pour traiter leur maladie.
L’Ontario souhaite investir dans des pharmacothérapies innovantes et augmenter le nombre de médicaments vitaux fournis dans le cadre du régime provincial. Afin de générer ces fonds, la province prévoit effectuer une transition vers les biosimilaires à partir de mars 2023. Au 31 mars, les patients bénéficiant du Programme de médicaments de l’Ontario pour Copaxone, Enbrel, Humalog, Humira, Lantus, NovoRapid, Remicade et Rituxan devront passer à la version biosimilaire d’ici le 29 décembre 2023.
Le gouvernement provincial a récemment publié des consignes concernant cette période de transition, recommandant aux patients de discuter d’un plan de transition avec leurs prestataires de soins de santé. Il est également précisé que des dérogations seront envisagées pour certains patients selon leur situation clinique, au cas par cas, en accord avec leur prestataire de soins de santé.
L’approche de l’Ontario est fondée sur des recherches qui montrent que l’obligation de changer de médicament conduit à un taux d’adoption plus important, en comparaison avec une simple inscription des biosimilaires sur les listes publiques. Toutefois, comme l’a indiqué le ministère de la Santé de l’Ontario, sa politique de substitution s’accompagnera d’une formation pour les médecins et les patients, ainsi que d’un accès au médicament de référence si cela est médicalement justifié.
Selon Mme. Lee, l’annonce de l’Ontario concernant les biosimilaires incitera les payeurs privés à poursuivre leurs propres initiatives de substitution. « Si l’Ontario s’engage sur cette voie, les payeurs privés se joindront à eux », ajoute-t-elle.
Selon lui, de nombreux promoteurs de régimes seront encouragés par les économies considérables qu’ils pourront réaliser et par la perspective d’offrir encore plus de médicaments à leurs membres. Dans le cas de la polyarthrite rhumatoïde, par exemple, le rapport de TELUS Santé sur les tendances en matière de consommation de médicaments prévoit que les politiques publiques de substitution se traduiront de plus en plus par la prescription de produits biologiques biosimilaires moins coûteux pour les maladies auto-immunes. Cette tendance se répercutera à son tour dans l’espace des payeurs privés.
Selon Mme. Lee, les promoteurs de régimes doivent être conscients que ces initiatives de substitution susciteront des questionnements de la part des participants aux régimes, auxquelles ils devront être en mesure de répondre.
Cependant, elle reste convaincu que l’adoption croissante des provinces pour les biosimilaires sera le catalyseur du changement et constituera un outil permettant d’assurer la viabilité des régimes dans l’avenir.
« Chaque petite économie qui peut être réinvestie est bénéfique », déclare-t-elle.
Remarque : Les accords de référencement de produits sont une alternative viable et économique aux biosimilaires. Les promoteurs de régime sont encouragés à discuter de cette option avec leur assureur.