De nos jours, on ne présume plus que toutes les familles se ressemblent, et c’est tant mieux. Bien des gens s’éloignent des normes de genre traditionnelles en matière de parentalité, choisissant consciemment de se détacher de ce qu’ils ont connu étant enfants.
Dans une famille, quelle que soit sa configuration, les adultes responsables jouent un rôle de premier plan dans le développement du « système immunitaire psychologique » des enfants, comme l’appelle Jennifer Raymond, psychologue spécialisée auprès des enfants et des adolescents des Cliniques TELUS Santé. Et peu importe comment sont répartis les rôles, c’est au contact des diverses influences de son foyer qu’un enfant apprend à gérer ses émotions.
Mme Raymond, psychologue agréée, travaille auprès des enfants, des adolescents, des familles et des adultes depuis plus de 20 ans. Elle explique que les liens forgés par les parents ou les gardiens avec un enfant au cours de ses cinq premières années de vie sont cruciaux. En effet, une foule de choses se développent chez lui pendant cette période, qu’il s’agisse de son estime de lui-même, de son sens de l’identité ou de ce qu’elle appelle son « système immunitaire psychologique ».
Le système immunitaire psychologique renvoie aux fonctions cognitives qui s’activent quand on est aux prises avec une situation stressante ou négative, qu’on ait conscience de ces fonctions ou pas.
Pour ce qui est des enfants, Mme Raymond explique que le façonnement d’un système immunitaire psychologique fort pendant l’enfance est une étape importante du développement. Il munit l’enfant des outils nécessaires pour gérer et réguler ses émotions tout au long de sa vie; il l’aide aussi à faire preuve de résilience face au stress et à l’adversité alors qu’il entre dans l’adolescence, puis dans l’âge adulte. Les psychologues, comme Mme Raymond, peuvent offrir des conseils sur la façon de cultiver ce système immunitaire. Et la création de liens d’attachements forts est un bon point de départ.
L’attachement désigne une relation profonde entre deux personnes, dans laquelle elles servent de source de confort et de sécurité l’une pour l’autre. Dans le cas d’un parent et de son enfant, la théorie de l’attachement explique comment cette relation façonnera le développement futur de l’enfant. Selon Jennifer Raymond, si la majorité des parents savent qu’ils doivent témoigner de l’amour à leur enfant et prendre physiquement soin de lui, ils peuvent en revanche ne pas avoir conscience de l’importance de l’attachement.
« S’il peut compter sur un lien d’attachement avec au moins l’un de ses gardiens, l’enfant apprend à se réguler émotionnellement et peut accueillir toutes ses émotions sans crainte, dit Mme Raymond. En d’autres termes, le parent réagit à la détresse émotionnelle de l’enfant en cherchant à comprendre ses besoins à ce moment précis, plutôt qu’en décidant à sa place ce que devraient être ces besoins. Cette ouverture prépare le terrain; l’enfant pourra traverser la vie armé d’un fort sens de son identité et d’une grande résilience. »
Selon la psychologue, la recherche prouve aussi qu’un lien d’attachement solide constitue un facteur de protection contre d’éventuels troubles de santé mentale. Il existerait d’ailleurs une corrélation entre les liens d’attachement instables, surtout ceux qui appartiennent à la catégorie de l’attachement désorganisé, et les problèmes de santé mentale qui surviennent plus tard dans la vie.
Tout parent ou gardien, quel que soit son genre ou la configuration de la famille, peut jouer ce rôle auprès d’un enfant. Mme Raymond affirme que le plus important pour un parent est d’apprendre à connaître réellement son enfant et ses besoins. Son rôle de gardien sera d’agir en source de sécurité et de stabilité quand l’enfant éprouvera de la détresse émotionnelle.
« Quand il commence à explorer, un enfant se perçoit comme une extension de ses parents, explique-t-elle. Ainsi, quand un tout-petit tombe, il arrive souvent qu’il regarde son parent ou son gardien avant de réagir lui-même. Une réaction sensible et chaleureuse de la part du parent permet à l’enfant de ressentir la surprise de sa chute, de se réguler de nouveau et de se remettre à jouer. Une réaction de négligence ou encore de stress intense de la part d’un parent envoie un message très différent; elle peut créer un motif d’interaction interpersonnel qui risque de poser problème pour l’enfant, tant face à lui-même que dans ses relations intimes. »
Un incident isolé ne définit pas le style d’attachement d’un parent avec son enfant. Ce sont plutôt les événements ayant eu lieu sur une longue période, et les motifs qui s’en dégagent, qui comptent. Un professionnel de la santé mentale spécialiste du comportement juvénile peut aider un parent à bâtir un lien d’attachement fort avec son enfant.
On sait aujourd’hui que les hommes sont capables d’être la source de tendresse dans la vie d’un enfant, et que bien des femmes investissent des rôles différents de ceux qu’elles pourraient avoir observés chez leur propre mère.
Pourtant, et bien que les normes de genre soient aujourd’hui beaucoup moins rigides qu’autrefois, on décourage souvent les jeunes garçons de prendre part à des activités traditionnellement associées aux filles, que ce soit à la maison, à l’école ou en situation de jeu. Ainsi, on peut dissuader les garçons de jouer à la poupée, ou de devenir gardiens d’enfants comme premier emploi. Ce n’est bien sûr pas toujours le cas, mais il est important de voir ces activités comme des occasions, pour les enfants, d’apprendre à se réconforter et à prendre soin les uns des autres.
« Les attentes sont élevées envers les pères, dont on aimerait qu’ils soient les égaux de leur partenaire au sein du foyer, remarque Mme Raymond. On s’attend à ce qu’ils aient de l’assurance et soient à l’aise de faire preuve de tendresse, même si cela ne correspond pas du tout à la façon dont ils ont été élevés. Nous devrions tous réfléchir à nos attentes et à nos attitudes à l’endroit des garçons, pour comprendre comment nos propres biais contribuent à ce qu’ils puissent cultiver, ou pas, des traits comme la tendresse. »
Mme Raymond raconte une anecdote qu’elle a vécue récemment : « Mon père et moi, on marchait dans la rue en début de soirée, à l’Halloween, derrière un père et son petit garçon en costume de dinosaure. Les deux se promenaient main dans la main, sans se presser, et babillaient ensemble, le petit marchant lentement aux côtés de son père. Celui-ci faisait preuve d’une vraie proximité émotionnelle avec son fils, en avançant à son rythme et en se penchant vers lui pour interagir. Je voyais que l’interaction comblait leurs besoins à tous les deux, et c’est le genre de chose qui aura une influence importante sur cet enfant. »
« C’est souvent par le comportement que les enfants expriment ce qu’ils ressentent, ajoute-t-elle. Quand les choses se font plus difficiles, ça ne signifie pas nécessairement qu’il y a un problème. On tend à parler de la parentalité comme du travail le plus difficile qui soit, et bien sûr, elle est souvent épuisante. Mais on ne rappelle pas suffisamment le fait qu’elle peut être réjouissante. Quand on est épuisé en permanence par son rôle de parent, c’est peut-être que certains aspects peuvent être améliorés. Les enfants nous signalent qu’ils ont besoin de soutien en faisant des crises, en refusant de dormir, en refusant de manger. En effet, ils pourraient tout simplement manquer de mots pour expliquer comment ils se sentent; c’est là que l’adulte doit passer en mode écoute et les aider à comprendre ce qui ne va pas. »
Avec toute l’attention accordée à la santé physique des enfants, la santé émotionnelle et le bien-être peuvent parfois se retrouver au second plan. Si vous avez envie d’en apprendre plus sur l’attachement ou de mieux comprendre les interactions difficiles que vous vivez avec un enfant, sachez que les Cliniques TELUS Santé offrent des services complets de psychologie et de consultation pour les enfants et les adolescents.
* Ressources en anglais seulement