Quand les lectures du podomètre d’un patient indiquent un faible nombre de pas, Claire sait que quelque chose cloche.
« Un de mes patients atteints de MPOC ne faisait plus que quelques centaines de pas par jour, mentionne Claire, infirmière en télésoins à domicile à Victoria. Lorsque je l’ai appelé, il a dit qu’il ne sortait pas pour faire sa marche quotidienne parce que son dispositif d’alimentation en oxygène gelait constamment. » Claire a rapidement mis son patient en contact avec un technicien, qui a réglé le problème.
Cela s’est produit sans rendez-vous du patient ni visite de l’infirmière.
Claire et son patient participaient à l’un des projets pilotes de télésoins à domicile se déroulant en Colombie-Britannique et au Yukon, où les patients atteints de maladies chroniques comme la maladie pulmonaire obstructive chronique (MPOC) et l’insuffisance cardiaque utilisent des appareils comme des podomètres pendant leur convalescence.
« Tous les patients, mais surtout ceux qui souffrent d’une maladie chronique, ont besoin d’un transfert sécuritaire et de haute qualité lorsqu’ils passent de l’hôpital à la maison », affirme le Dr Kendall Ho, responsable de la recherche en médecine d’urgence numérique de l’Université de la Colombie-Britannique et coresponsable du projet pilote TEC4Home, à Vancouver, avec la Vancouver Coastal Health Authority et l’organisme Providence Health Care.
Les statistiques mettent en lumière le besoin critique d’améliorer les transferts.
Au Canada, 18 % des patients atteints de MPOC sont admis à l’hôpital une fois par année, tandis que 14 % y sont admis deux fois. Aussi, 40 % des patients atteints d’insuffisance cardiaque qui ont reçu leur congé sont admis de nouveau à l’hôpital dans un délai de trois mois.1
Les hospitalisations récurrentes sont à la fois décourageantes pour les patients et coûteuses pour le système. Pour faire face à ces problèmes, les programmes de télésoins à domicile comme ceux qui ont lieu au Yukon et dans plusieurs autorités sanitaires de la C.-B. (Vancouver Island Health Authority, Interior Health Authority, Vancouver Coastal Health Authority et la Provincial Health Services Authority) poursuivent la surveillance des patients à l’extérieur de l’hôpital.
« Les patients sont en meilleure santé chez eux, où ils sont à l’aise, avec leur famille, dans un environnement familier, déclare Gayle Anton, directrice, Gestion des maladies chroniques et Santé à domicile à la Interior Health Authority de la C.-B. Grâce à nos programmes de télésoins à domicile, nous fournissons des soins spécialisés qui permettent les interventions nécessaires au domicile des patients. »
Durant les projets pilotes de télésoins à domicile, les patients atteints d’insuffisance cardiaque ou de MPOC portent à la maison des appareils qui mesurent leur fréquence cardiaque, leur poids, leur tension artérielle, leur taux de saturation en oxygène et leur niveau d’activité. Au moins une fois par jour, ils envoient ces mesures à une infirmière en télésoins à domicile et répondent à un questionnaire en ligne sur leur état physique et mental.
« Avec un minimum de formation et de soutien, la plupart des patients trouvent que les appareils sont faciles à utiliser et que le protocole est simple », mentionne Lisa Saffarek, spécialiste principale, Soins virtuels et télésanté à la Vancouver Island Health Authority.
Certaines autorités sanitaires de la C.-B., notamment la Interior Health Authority, utilisent avec succès une certaine forme de télésoins à domicile depuis plus d’une décennie. Les récents résultats des projets pilotes sur les maladies chroniques de la Interior Health Authority et de la Vancouver Island Health Authority le confirment.
Les participants ont bien aimé prendre part aux projets pilotes : 100 % des patients atteints de MPOC ont affirmé qu’ils le recommanderaient à d’autres personnes. De plus, 86 % des professionnels de la santé se sont dits satisfaits de leur capacité à fournir des soins.
Mais surtout, le recours aux services de santé a diminué de manière spectaculaire. Par exemple, les patients atteints d’insuffisance cardiaque dans les projets pilotes des deux autorités sanitaires ont nécessité 76 % moins de soins qu’un patient moyen souffrant de la même maladie.
Cela s’avère très prometteur au chapitre des économies. Mais l’essentiel, c’est que les télésoins à domicile gardent les patients en meilleure santé, et plus heureux. Qu’est-ce qui contribue à cette amélioration marquée en santé? En fait, trois facteurs : les télésoins à domicile encouragent la participation, renforcent les liens avec l’équipe soignante et permettent d’effectuer des interventions plus tôt.
La technologie est au cœur des télésoins à domicile. Toutefois, c’est la manière dont les patients interagissent avec celle-ci et avec leur équipe de fournisseurs de soins qui détermine le succès des télésoins à domicile.
« Il s’agit vraiment d’un partenariat entre le patient et le praticien afin de suivre et d’accélérer le rétablissement », déclare le Dr Kendall Ho, de la UBC, qui codirige un nouveau projet pilote de télésoins à domicile à Vancouver.
Pour les équipes de la Interior Health Authority et de la Vancouver Island Health Authority, il était essentiel que l’interface de production de rapports que les patients utilisent chaque jour soit conviviale et positive. Avec l’aide de patients partenaires, elles ont retravaillé à maintes reprises le questionnaire sur la santé et les conseils afin qu’ils soient encourageants et utiles. Ce partenariat entre les patients et les fournisseurs de soins s’est avéré très payant.
« Les questions du protocole encouragent un patient à suivre son plan d’action et à se demander comment il se sent chaque jour, affirme Lisa Saffarek, de la Vancouver Island Health Authority. Elles l’incitent à gérer sa maladie de façon proactive. »
D’autres projets pilotes ont suivi ceux qui ont été menés au départ par la Vancouver Island Health Authority et la Interior Health Authority.
Les conseils quotidiens intégrés au questionnaire favorisent aussi l’amélioration des autosoins. « De nombreux patients atteints de MPOC et leurs aidants à domicile ne savaient pas que les poussées de la maladie causent des lésions aux poumons à long terme, mentionne Anne Aram, directrice de projet au sein de l’équipe chargée de la gestion des maladies chroniques du Fonds d’investissement-santé pour les territoires du Yukon. Cette information les motive à faire tout en leur pouvoir pour éviter une poussée. »
Les podomètres se sont aussi avérés essentiels pour faire participer les patients à leur rétablissement en stimulant les niveaux d’activité quotidienne. Lori, infirmière en C.-B., a constaté cette motivation chez un voisin âgé.
« Quand nous sommes revenus de l’hôpital, il avait l’air d’avoir déjà un pied dans la tombe », raconte-t-elle.
Mais jour après jour, elle le voyait marcher. Lentement d’abord, puis plus vigoureusement. Elle lui a finalement demandé pourquoi son état s’améliorait si rapidement. Il lui a dit qu’il participait à un programme de télésoins à domicile et que son nouveau podomètre le motivait à marcher un peu plus loin chaque jour.
Grâce à ces connaissances acquises auprès des patients, chaque programme de télésoins à domicile de la C.-B. à l’intention de patients atteints d’une maladie chronique inclut désormais l’utilisation d’un podomètre.
Tant les patients que les équipes de soins constatent des liens plus étroits entre eux en raison de leur interaction quotidienne dans le cadre du programme de télésoins à domicile.
« Ce sont les relations établies grâce à la technologie qui deviennent importantes pour les soins aux patients », affirme Anne Aram, du Yukon.
Grâce au lien quotidien avec leur cercle de soins, les patients profitent de la tranquillité d’esprit de savoir que leur état s’améliore, car leur infirmière est formée pour détecter tout signe précoce de récidive.
« Les télésoins à domicile m’ont donné confiance en mon rétablissement, affirme Maurice King, un patient. Je peux appeler mon infirmière dès que j’ai une question, et elle m’appelle au moins une fois par semaine. »
Les cliniciens estiment qu’ils peuvent faire le suivi du rétablissement d’un patient plus efficacement qu’auparavant, lorsque les patients retournaient à leur domicile et donnaient des nouvelles à l’occasion. Ils ont l’impression de changer la vie de leurs patients de façon plus concrète.
Le programme aide aussi les aidants familiaux. « Ma famille est beaucoup plus rassurée depuis que je participe au programme », affirme Elizabeth Brand, une patiente.
De nombreuses histoires tirées des projets pilotes portent sur une réduction du délai de réaction à un état qui s’aggrave. Lorsqu’ils sont décelés tôt, les problèmes peuvent souvent être réglés au moyen d’un ajustement de médicaments, d’une refonte du plan de rétablissement ou d’autres interventions simples.
Par exemple, les podomètres ne font pas que motiver les patients à marcher. Ils s’avèrent aussi des indicateurs de santé essentiels pour les infirmières.
« Passer de 5 000 à 1 000 pas par jour peut être un signe de fatigue, qui peut être un indicateur précoce de poussée, soit le principal motif de visite à l’urgence pour un patient atteint de MPOC, déclare Lisa Saffarek, de la Vancouver Island Health Authority. Quand nous savons qu’une poussée est imminente, nous pouvons la prévenir et même la traiter à domicile. »
« Les télésoins à domicile ont le potentiel de réduire le fardeau associé aux soins de courte durée, ajoute Gayle Anton, de la Interior Health Authority de la C.-B. Mais plus important encore, ils nous permettent de détecter les problèmes tôt et d’effectuer les interventions nécessaires ou d’aider les patients pendant qu’ils gèrent leurs propres soins. »
Les résultats des projets pilotes de télésoins à domicile sont si convaincants que de nouvelles régions y participeront en C.-B. et au Yukon.
En C.-B., la Vancouver Island Health Authority et la Interior Health Authority répondent chacune aux besoins d’environ 750 000 personnes vivant dans des petites villes ou des régions rurales dispersées sur un vaste territoire. Le Yukon doit relever le défi de fournir des soins à 38 000 personnes réparties sur un demi-million de kilomètres carrés et se trouvant souvent à des endroits difficiles d’accès. Dans ces régions, les télésoins à domicile procurent de réels avantages aux patients qui ont reçu leur congé d’un hôpital régional et qui doivent retourner dans leur collectivité éloignée des services de santé. « Fournir des soins de santé aux gens à leur domicile, surtout dans les collectivités éloignées où l’accès aux soins est difficile, peut accroître l’autogestion, améliorer la santé et réduire le stress associé au déplacement nécessaire pour obtenir des soins », affirme Anne Aram, du Yukon.
« Des études rigoureuses nous permettront de connaître les meilleures façons d’offrir les télésoins à domicile afin qu’ils procurent autant d’avantages que possible aux patients », affirme le Dr Kendall Ho, qui travaille au partenariat TEC4Home à Vancouver.
« Quels sont les services essentiels? Quels sont les services accessoires? Qu’est-ce qui ne fonctionne pas? Ensuite, lorsque nous offrirons les programmes dans l’ensemble de la province (et peut-être même dans l’ensemble du pays), nous saurons que nous aidons les Canadiens à être aussi en santé que possible. »
« Les télésoins à domicile n’en sont qu’à leurs débuts, mentionne Heather Harps, directrice de l’initiative concernant les télésoins à domicile à TELUS Santé. Les avantages des projets pilotes actuels sont évidents. Et les leçons qu’ils nous permettent de tirer enrichissent la banque de connaissances qui servira à tous les programmes futurs. »
Nous sommes impatients de voir d’autres programmes de télésoins à domicile qui aident les fournisseurs de soins, favorisent le bonheur et la santé des patients, et permettent de réaliser des économies supplémentaires à une échelle encore plus grande.
Cet article a d’abord été publié dans la version numérique de Canadian Healthcare Technology, vol. 22, no. 7 édition d’octobre 2017.