Si les données provenant d’essais cliniques randomisés restent essentielles pour l’approbation de nouveaux médicaments, les données en contexte réel (RWE) apportent des informations fort pertinentes pour les assureurs privés comme public lorsque vient le temps de décider si un traitement sera remboursé ou non.
Dans le cadre de la deuxième journée de la conférence annuelle Telus Santé, qui s’est déroulée de façon virtuelle le 3 mai dernier, un panel d’expert s’est entretenu sous la thématique « Les données réelles au service de l’évaluation des médicaments pour les régimes d’assurances privés ».
« Plusieurs de ces nouveaux traitements sont très dispendieux, ce qui pose un défi considérable pour les régimes lorsqu’il s’agit de juger si les bienfaits du nouveau traitement justifient son coût », a confié Richard Lavoie, chef de pratique, économie de la santé à Synergyx Conseil et modérateur pour la session. Dans ce contexte, les RWE peuvent apporter une source d’information de plus, surtout dans le cas des maladies rares, pour qui les études cliniques sont plus difficiles à réaliser, étant donné le petit nombre de sujets.
« Lorsqu’un assureur évalue les médicaments soumis par les fabricants, il considère généralement les données scientifiques et économiques, pour établir en quelque sorte un rapport qualité/prix. En général, le fabricant présente les études cliniques, mais il subsiste souvent de nombreuses incertitudes sur la population traitée, les variantes de la maladie, l’ampleur, la durée des effets cliniques, et comment il se compare aux traitements existants », a expliqué en introduction Richard Lavoie.
Les deux panélistes ont ensuite mis en lumière les défis, les besoins actuels de données, et les occasions qu’elles offrent en matière de décision de remboursement de régimes privés. Karine Grand’Maison, vice-présidente, accès et relations gouvernementales chez Pfizer, a d’abord présenté comment les données en contexte réel pouvaient améliorer la prise de décision. « Parfois, ça prend des données du contexte réel pour démontrer la pleine valeur des innovations apportées, au-delà de ce qui est mesuré dans les essais cliniques. Ça prend une collaboration entre les parties prenantes pour trouver les bonnes données qui répondent aux besoins, afin de faciliter l’accès », croit Mme Grand’Maison. La pandémie de COVID a d’ailleurs fait tomber plusieurs barrières pour améliorer la collaboration dans un contexte où il fallait agir vite, a-t-elle donné comme exemple. Comme récolter ces données représente un investissement important en temps et en argent, il faut adopter une approche ciblée pour déterminer les besoins et mettre les ressources au bon endroit.
Les RWE permettent par ailleurs d’évaluer différemment la valeur des thérapies, notamment pour les employeurs. Un patient qui par exemple traite bien son arthrite retardera sa retraite, ce qui réduit les coûts de remplacement de la main-d’œuvre. Les RWE ouvrent également une fenêtre sur les besoins et les préférences des patients (traitement oral plutôt qu’intraveineux), ce qui en fin de compte améliore la productivité et réduit l’absentéisme.
C’est donc tout un écosystème autour du patient que les RWE révèlent. C’est d’ailleurs ce dont a parlé Catherine Beauchemin, associée chez PeriPharm, une société de conseil spécialisée dans la pharmacoéconomie et l’accès au marché au Canada. Cette entreprise est elle-même une grande consommatrice de données du réel. « En tant que consultants, nous présentons l’ensemble des données au payeur pour qu’il prenne une décision éclairée », résume-t-elle. Celle-ci a présenté des exemples où le manque de RWE a eu comme conséquence l’impossibilité de reconnaître la valeur réelle d’innovation.
Pour pallier ce manque de RWE canadiennes, Catherine Beauchemin et ses collègues ont mis sur pied PROxy, une initiative qui génère des données probantes axées sur le patient. Cette plateforme permet la collecte de données centrées sur les patients et les proches aidants, recrutés via le réseau de pharmaciens communautaires et les associations de patients. « Nous sommes convaincues que la voix du patient doit être au cœur des décisions en santé », a-t-elle conclu.
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