« Dans les 3 dernières années, on a eu des hauts et des bas, on a fait face à des défis de taille. Maintenant, notre santé mentale est différente », a évoqué d’emblée Marilyn Grand’Maison, directrice de la recherche chez TELUS Santé, lors de la première journée de la conférence annuelle de TELUS Santé, le 26 avril dernier. Celle-ci a analysé les enjeux actuels et émergents ayant une incidence sur la santé mentale et la productivité de la population active dans sa conférence « Comprendre la santé mentale des leaders de demain ».
La santé mentale des employées doit rester une préoccupation pour les employeurs, puisque celle-ci a un impact au travail. « C’est important d’en prendre conscience, parce que notre économie est propulsée par l’individu. L’innovation, la créativité et la collaboration sont des aspects qui peuvent être affectés par notre santé mentale », confiait Mme Grand’Maison.
En se basant sur la recherche effectuée chez TELUS Santé via l’Indice de santé mentale (ISM), Marilyn Grand’Maison a d’abord présenté un portrait d’ensemble, avant de regarder plus précisément les différences selon les âges, et donner des pistes d’actions pour les employeurs. L’ISM est constitué à partir d’un échantillon de 15 000 travailleurs à travers le monde (dont 3 000 Canadiens), avec des données recueillies de 2017 à aujourd’hui, ce qui en fait une des plus importantes bases de données de score en santé mentale.
La pandémie a ainsi fait fluctuer la santé mentale des travailleurs au fil du temps : après l’incertitude et l’anxiété des débuts est venue une phase de profonde fatigue ; aujourd’hui, on remarque une sensibilité accrue au stress. Augmentation de la violence armée, recrudescence des comportements désagréables entre les gens, « grande démission ». Les conséquences de cette sensibilité se font sentir dans toutes les sphères de la société, incluant celle du travail.
Cette exposition prolongée au stress a des impacts qui perdurent. « Aujourd’hui, plus de gens ont des problèmes, et les problèmes sont plus complexes », poursuit Mme Grand’Maison. On observe ainsi que 34 % de population active est à risque élevé pour la santé mentale, comparativement à 12 % il y a 3 ans. « On parle de personnes dont les symptômes et les émotions interfèrent avec leur vie personnelle, avec leur travail », précise Mme Grand’Maison. La consommation d’alcool à haut risque (15 verres ou plus par semaine) a, quant à elle, quadruplé, passant de 2 à 8 % au Canada.
Dans la deuxième partie de sa présentation, Marilyn Grand’Maison a comparé la cohorte des travailleurs de 40 ans et plus et celle des moins de 40 ans. Selon elle, « on observe une différence marquée sur plusieurs aspects » : les moins de 40 ans sont 2 fois plus enclins à se sentir angoissés et impuissants, et 1,5 fois plus enclins à se sentir isolés (l’isolement étant un facteur de risque majeur pour la santé mentale).
Il faut savoir qu’on observait déjà une différence importante de la santé mentale entre ces deux cohortes. Or, avec la pandémie, l’écart s’est creusé, et cette différence a continué d’augmenter jusqu’en décembre 2022. « Les bouleversements vécus ont eu un impact bien plus important chez les plus jeunes », résume Mme Grand’Maison. Cette diminution de la santé mentale affecte aussi la productivité. « En début de pandémie, les gens travaillaient plus d’heures, ce qui masquait le problème, mais ce n’est pas une stratégie durable à long terme », soupçonne Mme Grand’Maison.
Devant cet état de fait, les employeurs doivent agir pour soutenir la santé mentale de leurs employés. Ce soutien peut prendre plusieurs formes : politiques, avantages sociaux, services et programmes, culture d’entreprise et leadership… Des modalités de travail flexible aux formations pour les gestionnaires pour mieux reconnaître les signes avant-coureurs et les facteurs de risques, les avenues sont multiples. Mais surtout, ces formes de soutien doivent bien être communiquées aux employés. « C’est peut-être déjà offert dans votre organisme, mais est-ce que c’est connu ? », soulève Mme Grand’Maison.
Marilyn Grand’Maison a terminé sa conférence en présentant l’outil d’autoévaluation de l’Indice de stratégie organisationnelle pour la santé mentale, disponible en ligne gratuitement, de même que la plateforme Santé mentale globale, qui appuient les organisations pour mettre en place un meilleur soutien pour la santé mentale. « Nous avons utilisé toutes les données, toutes nos recherches, pour développer la prochaine génération de soutien en santé mentale », fait-elle valoir.
Parce que sans action ciblée, rien n’indique que la situation va changer, particulièrement pour les plus jeunes. « C’est une problématique de cohorte, pas une problématique liée aux différents stades de la vie », conclut-elle.
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