La pharmacogénétique (aussi connue sous le nom de pharmacogénomique) est l’une des frontières les plus passionnantes de la recherche médicale et de la conception des régimes d’avantages sociaux. Elle consiste à comprendre comment les gènes d’une personne influeront sur sa réponse à un médicament avant qu’elle ne le prenne. Les effets secondaires sont-ils graves? Le médicament aura-t-il un effet neutre ou négatif sur la santé de la personne? Ou bien est-il probable que la prise du médicament lui apporte des bienfaits, dont les avantages l’emportant sur les inconvénients?
À mesure que la recherche pharmacogénétique progresse, il est probable que de plus en plus de personnes aient accès à des prescriptions de précision pour le médicament et la dose qui leur conviennent le mieux. De toute évidence, savoir à l’avance le degré d’efficacité et de tolérance d’un médicament est un avantage indéniable pour un adhérent au régime. Cela peut également aider les preneurs de régime à limiter les coûts des avantages sociaux liés aux médicaments là où ils seront les plus nécessaires. Voyons en détail le mode de fonctionnement de la pharmacogénétique et les avantages qu’elle peut apporter en matière de limitation des coûts des avantages sociaux.
La prise d’un médicament d’ordonnance déclenche une réaction dans votre corps. Parmi les milliers de gènes hérités de vos parents, certains auront un impact sur les différentes parties du processus intégrant le médicament dans votre organisme (c.-à-d. la façon dont vous le métabolisez). Par conséquent, ils influencent la façon dont vous répondez ou non au médicament.
Avec quelle efficacité le médicament se fixe-t-il aux cellules?
Il arrive souvent que les médicaments doivent se fixer aux récepteurs protéiques à la surface des cellules pour avoir un effet. Les gènes déterminent le nombre de récepteurs dont une personne dispose. Si les récepteurs sont trop peu nombreux, une dose plus élevée peut être nécessaire pour que le médicament fasse effet. Une absence totale de récepteurs signifie que le médicament n’aura aucun d’effet.
De quelle manière le médicament pénètre-t-il dans les cellules?
Les médicaments peuvent également avoir besoin de pénétrer à l’intérieur des cellules pour effectuer le travail qui leur incombe. Le « captage cellulaire » dépend aussi des gènes. Si un médicament ne peut pénétrer dans les cellules ou s'il en est expulsé trop rapidement, il aura peu ou pas d’effets. Une absorption moindre peut également signifier qu’un médicament qui n’arrive pas à pénétrer dans les cellules de destination s’accumule ailleurs, causant ainsi des dommages.
Avec quelle rapidité le médicament se décompose-t-il?
Les médicaments doivent rester dans votre corps pendant un certain temps pour avoir un effet. Les gènes influencent la vitesse à laquelle un médicament se décompose. S’il le fait trop rapidement, il peut être nécessaire d’augmenter la dose (ou de changer de médicament). S’il le fait trop lentement, il peut être essentiel de réduire la dose pour éviter des effets secondaires graves.
À quoi servent les tests pharmacogénétiques?
Les tests pharmacogénétiques diffèrent des tests génétiques. Les tests génétiques peuvent aider à poser un diagnostic ou à déterminer si une personne est susceptible de contracter une maladie. Les tests pharmacogénétiques visent à déterminer la réaction d’une personne à un médicament avant l’exécution d’une ordonnance.
Plus précisément, les tests pharmacogénétiques permettent de découvrir :
Les tests pharmacogénétiques ne sont utiles que pour la prescription de certains médicaments. Des gènes spécifiques ont été associés à la réponse à certains anticoagulants, antidépresseurs, médicaments contre l’épilepsie, antipsychotiques, traitements de troubles déficitaires de l’attention, opioïdes, statines; à certains traitements pour le cancer du sein, la leucémie infantile ou le VIH et à certains troubles auto-immuns.
Le test, en lui-même, ne nécessite généralement rien de plus qu’un prélèvement à l’intérieur de la joue. Le personnel de laboratoire extrait l’ADN de l’échantillon de salive et l’analyse par séquençage génomique. Selon le test qui est demandé, il peut se concentrer sur un seul gène ou un groupe de plusieurs gènes.
La pharmacogénétique intervient dans de nombreux domaines thérapeutiques qui contribuent considérablement aux dépenses des régimes d’avantages sociaux en raison des taux d’incidence élevés ou des coûts élevés des médicaments – des troubles mentaux à certains cancers, en passant par les maladies cardiovasculaires et les troubles auto-immuns – elle peut s’avérer être un outil puissant de limitation des coûts.
Les tests peuvent cibler les gènes qui modifient le métabolisme des médicaments utilisés pour traiter des maladies qui sont des facteurs importants d’invalidité en milieu de travail. Par exemple, le traitement d’une maladie, telle la dépression, avec le bon médicament et la bonne dose dès le départ peut raccourcir ou éliminer les demandes coûteuses d’invalidité à court terme et à long terme. Un traitement optimal pour tout problème de santé peut diminuer l’absentéisme et augmenter la productivité au travail.
Les tests pharmacogénétiques peuvent être particulièrement utiles dans les cas de maladies chroniques pour lesquelles il existe de nombreux traitements possibles.
Ce n'est pas parce qu'une personne ne réagit pas bien à un médicament qu'elle ne réagira pas bien à tous les médicaments pour une maladie donnée. En ignorant la phase « essais et erreurs » et en proposant directement aux patients le médicament qui leur convient le mieux, on peut aider les membres du personnel à se sentir mieux plus rapidement et à ralentir la progression d’une maladie.
Il est important de noter que le choix d’un médicament sur la base d’un test pharmacogénétique et la prévention d’effets secondaires graves a un double effet : amélioration de la sécurité du patient et meilleure observance thérapeutique. Il est primordial que les médicaments soient pris comme ils ont été prescrits pour s’assurer que le patient tire le maximum de bienfaits d’un médicament en particulier et que les dépenses liées aux médicaments de votre régime sont utilisées au mieux.
Deux études récentes ont examiné les avantages de la pharmacogénétique auprès de membres et de preneurs de régime d’avantages sociaux.
Green Shield Canada a testé un traitement de santé mentale guidé par la pharmacogénétique et distribué par des pharmaciens par rapport à un groupe témoin qui a reçu une optimisation des médicaments, en se fondant sur le jugement clinique du pharmacien. Le groupe guidé par la pharmacogénétique a connu une amélioration de 36 % des scores du questionnaire sur la santé des patients (PHQ-9) (par rapport à 18 % pour le groupe témoin), une amélioration de 41 % des scores de l’échelle des troubles anxieux généralisés (GAD-7) (par rapport à 23 % pour le groupe témoin) et une amélioration de 44 % des scores de l’échelle de l’incapacité de Sheehan (SDS) (comparativement à 18 % pour le groupe témoin).
Lorsque Manuvie a mis en place un programme de médecine personnalisée comprenant des tests pharmacogénétiques, on a constaté que plus de la moitié des adhérents au régime testés (53 %) avaient changé leur médicament pour la santé mentale. Parmi ceux qui ont changé de médicament, plus de quatre sur cinq (82 %) ont dit que leurs symptômes s’étaient atténués. Manuvie estime que son programme, qui offre également un soutien personnalisé par des pharmaciens et pharmaciennes qui discutent des résultats des tests avec les adhérents du régime et leur médecin, a un retour sur investissement potentiel de 6:1.
Ces résultats robustes laissent suggérer que les tests pharmacogénétiques ont leur place dans les régimes d’avantages sociaux. Le sondage sur les soins de santé de Sanofi Canada a d’ailleurs permis de constater que, déjà en 2019, près des trois quarts de ses membres (74 %) accepteraient de passer des tests pharmacogénétiques afin d’aider leurs médecins à prescrire les médicaments les plus susceptibles d’être efficaces pour eux. À cette époque, près des deux tiers des employeurs étaient ouverts à offrir une couverture pour ce type de tests. Les tests pharmacogénétiques ayant désormais fait leurs preuves, il est fort probable que ce pourcentage soit en hausse.
Idéalement, les preneurs de régime devraient rechercher un programme de pharmacogénétique aussi complet que possible, offrant des tests pour le plus grand nombre possible de gènes connus pour influer sur le métabolisme de médicaments particuliers dont l’utilisation est approuvée au Canada. Assurez-vous que les tests comprennent les variantes génétiques rares qui sont cliniquement significatives. Les programmes devraient absolument inclure les gènes qui influencent la prise de médicaments prescrits pour les principaux facteurs d’invalidité, comme la douleur chronique et la santé mentale.
Pour s’assurer que les recommandations de médicaments issues des tests sont valables, il convient de se renseigner sur les recherches menées par les organismes qui les alimentent. Il peut s’agir du Clinical Pharmacogenetics Implementation Consortium (consortium de mise en œuvre de la pharmacogénétique clinique), de la Pharmacogenomics Knowledge Base (base de connaissances en pharmacogénomique) ou du Dutch Pharmacogenetics Working Group (groupe de travail néerlandais en pharmacogénétique). L’intégration de pharmaciens et de pharmaciennes dans votre programme est un moyen efficace de s’assurer que les connaissances acquises par les adhérents au régime grâce aux tests pharmacogénétiques se traduisent par des décisions appropriées, fondées sur des données probantes concernant les médicaments à prendre.
Les programmes de pharmacogénétique doivent également être facilement accessibles. Cela signifie que les tests doivent :
Dane le cadre d’un programme complet, les résultats des tests pharmacogénétiques peuvent être conservés en dossier par le fournisseur de soins de santé de l’adhérent au régime. Les gènes ne changent pas. Donc, chaque fois qu’une personne aura besoin d’un médicament à l’avenir, le fournisseur de soins de santé pourra vérifier si les résultats des tests indiquent un médicament ou une dose en particulier. Chaque fois que les tests pharmacogénétiques contribuent à prescrire le bon médicament, ils deviennent encore plus rentables pour les preneurs de régime.
Le laboratoire qui procède aux tests doit respecter des normes élevées, notamment l'agrément et la certification pour effectuer des tests pharmacogénétiques. Il doit pleinement se conformer à toutes les lois applicables en matière de protection de la vie privée, y compris la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE). Il doit également s’engager dans la recherche pour faire progresser la science dans ce domaine en constante évolution.
Lorsqu’ils sont arrivés sur le marché, les tests pharmacogénétiques ont été utilisés principalement par les compagnies d’assurance comme composante volontaire d’un programme de gestion de l’invalidité à long terme, et parfois de l’invalidité à court terme. Aujourd’hui, ces tests sont de plus en plus utilisés par les preneurs de régime. De manière plus proactive, ils permettent d’aider les adhérents qui travaillent toujours à obtenir le meilleur traitement possible afin qu’ils n’aient jamais à prendre un congé d’invalidité.
En fait, lorsque TELUS Santé a communiqué avec 10 compagnies d’assurance à la fin de 2020, chacune d’entre elles offrait au moins une option d’assurance collective ou une structure de tarification préférentielle. La plupart d’entre elles l’offraient en tant que prestation d’invalidité, parfois limitée à certains troubles de santé. Cependant, la moitié des compagnies ont déclaré qu’elles l’offraient déjà ou qu’elles l’offriraient bientôt en tant qu’assurance maladie complémentaire. Dans presque tous les cas, les états pathologiques requis pour bénéficier de l’assurance maladie complémentaire comprenaient la santé mentale, la santé cardiovasculaire, la neurologie (troubles du système nerveux), la douleur et le trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH).
Pour tirer le meilleur parti d’un programme de pharmacogénétique offert à l’ensemble des adhérents au régime et aux membres de leur famille souffrant de divers problèmes de santé, les preneurs de régime doivent s’assurer que les adhérents comprennent bien ce que les tests font (et ne font pas), comment ils peuvent les aider, que faire des résultats et comment leur vie privée est protégée.
L’éducation est essentielle, et les subtilités scientifiques des tests pharmacogénétiques sont complexes. Toutefois, le message global est simple : les tests pharmacogénétiques peuvent aider à prédire comment vous allez réagir à un médicament avant de le prendre, de sorte que vous n’avez pas à essayer un grand nombre de médicaments ou différentes doses avant de trouver le médicament et la dose qui vous conviennent le mieux.
En fournissant aux adhérents le soutien d’une information exacte en langage clair sur la pharmacogénétique, les preneurs de régime ont l’occasion d’aider leurs membres à jeter un coup d’œil à leurs gènes afin qu’ils puissent obtenir le traitement le plus efficace pour de nombreux problèmes de santé. Cela permet ensuite aux preneurs de régime de limiter les coûts des avantages sociaux, en réduisant les dépenses liées aux médicaments qui ne conviennent pas à un adhérent en particulier. Plus important encore, c’est un moyen d’accélérer le processus d’accès au bon traitement, d’éviter les événements indésirables et les effets secondaires, et de garder les employés en bonne santé et productifs au travail.
Au fur et à mesure que la pharmacogénétique progresse, il est probable que l’on découvre davantage de liens entre des gènes spécifiques et le métabolisme de divers médicaments. Cette branche de la science est également susceptible de contribuer à la mise au point de médicaments personnalisés visant à améliorer le traitement de tout problème de santé, de l’asthme au cancer, en passant par les maladies cardiovasculaires. Il s’agit d’un domaine que les preneurs de régime doivent suivre de près, car il est très prometteur pour l’amélioration de la santé de la population canadienne dans son ensemble.